« Nous réinventons notre façon de représenter la recherche et l’innovation française à Bruxelles »

Institutionnel

Directeur du Bureau de Bruxelles, Alain Mermet nous détaille le rôle de la Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie dans la stratégie d’influence du CNRS.

Le CNRS est partenaire de ce nouveau lieu de plus de 1000 m2, ouvert en début d’année et situé en plein cœur du quartier européen à Bruxelles. Pourquoi avoir cette présence forte est important pour l’organisme ?
Alain Mermet : En tant qu’acteur de premier plan au niveau européen, il est primordial pour le CNRS de promouvoir ses intérêts au plus près des instances de l’Union européenne, telles que la Commission et le Parlement européens. C’est pourquoi l’organisme dispose d’un Bureau à Bruxelles depuis près de 30 ans. Mais les paysages français et européen de la recherche ont beaucoup évolué ces 15 dernières années. C’est pourquoi, en phase avec le plan d’amélioration de la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche et de l’innovation du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il nous a paru opportun de réinventer notre façon de représenter la recherche et l’innovation française à Bruxelles. Le projet de la Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie, initié par le CNRS et France Universités, est donc une nouvelle plateforme de représentation qui nous permet d’être au plus près de nos partenaires pour défendre ensemble nos intérêts communs et renforcer la visibilité de la science française. Aucun autre État membre ne dispose d’une structure similaire.

La Maison française ne prend pas simplement la suite du Clora, le Club des organismes de recherche associés, qui existait depuis 1991 avec des missions proches et rassemblait dans l’ensemble les mêmes membres permanents1 . C’est une organisation nouvelle, plus souple, permettant à ses membres de mener des actions d’influence à géométries variables, tant avec des membres de la Maison qu’avec d’autres partenaires bruxellois. C’est en particulier le cas pour le CNRS avec le G6, réseau informel de six organismes publics de recherche multidisciplinaire2 , acteurs majeurs de la recherche et de l’innovation en Europe. À travers des déclarations communes et des échanges réguliers entre les présidents du G6 et les décideurs bruxellois, ce réseau défend les intérêts de ses communautés de recherche, comme le financement de la recherche fondamentale ou les infrastructures, tout en promouvant des valeurs socles de l’Espace européen de la recherche comme la liberté académique.

Maison Curie à Bruxelles
La Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie est située en plein cœur du quartier européen à Bruxelles. ©  Twane.be

Qu’offre exactement cette Maison française ?
A. M. : La Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie a une double vocation. D’une part, c’est un lieu d’accueil pour nos chercheurs et nos chercheuses qui souhaitent rencontrer leurs partenaires pour le montage ou le suivi de projets européens. La plateforme offre différentes salles de réunions, accessibles aussi aux équipes des organismes désireux d’organiser des colloques à Bruxelles, comme ce fut le cas récemment avec la journée des correspondants Europe de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS. D’autre part, la Maison française a pour vocation d’être une vitrine de la science française à travers l’organisation d’événements et de débats scientifiques visant à peser dans les choix stratégiques européens. La récente présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) a été l’occasion d’organiser plusieurs événements en ce sens, mettant en valeur l’expertise française sur des thématiques diverses comme le quantique ou l’intelligence artificielle. Parmi la dizaine d’évènements pilotés par le CNRS et différents partenaires lors de la PFUE, celui sur les partenariats entre acteurs publics de la recherche fondamentale et le secteur industriel a rassemblé plus de 70 participants à la Maison française.

Dans la même logique, des événements labellisés seront organisés par les membres permanents de la Maison française. Le premier a eu lieu en octobre dernier sur les villes durables et intelligentes. Organisé conjointement par le CNRS et l’Université Gustave Eiffel, copilotes du PEPR "Solutions pour la ville durable et innovations territoriales", la manifestation avait pour objectif de promouvoir l’initiative française auprès de la Commission européenne, et de discuter de possibles synergies entre les programmations nationale et européenne.

Au-delà du premier cercle des 12 membres permanents, la Maison française propose aussi à d’autres acteurs un statut de « membre rattaché » ou de « membre associé » qui permet de bénéficier de différentes prestations, comme disposer de locaux, participer à la programmation des événements ou y assister. Tous ces membres pourront participer à nos « cafés européens » qui feront intervenir, dans des formats plus informels, des experts et représentants d’institutions françaises et européennes sur des thématiques variées contribuant à notre mission d’influence.

Salle comble
La Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie a accueilli un événement lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. ©  Twane.be

Plus généralement, quelles sont les relations du CNRS avec l’Europe ?
A. M. : Le CNRS est un acteur de premier plan de la recherche et de l’innovation européenne. C’est le premier bénéficiaire, au niveau français comme européen, du programme-cadre – représentant à lui seul plus de 15 % des financements obtenus par les acteurs français dans Horizon2020. C’est aussi un acteur emblématique de l’excellence scientifique européenne, avec un succès marqué au programme ERC dans tous les domaines3 . Les 15 ans de ce programme, célébrés lors de la PFUE, ont été l’occasion de féliciter les plus de 700 lauréats et lauréates qui ont choisi le CNRS comme institution-hôte. Pour autant, l’organisme conserve un fort potentiel pour accroître la participation de ses scientifiques aux programmes européens. C’est tout l’objet de la stratégie du CNRS pour l’Europe, lancée en mai 2021, à travers trois principaux objectifs : influencer l’Europe de la recherche, soutenir les chercheuses et les chercheurs dans le montage de projets européens et inciter les communautés à s’investir dans les programmes européens. La Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie est un outil innovant pour déployer cette stratégie, aux côtés de nos partenaires français et européens.

  • 1Les 12 membres permanents de la Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie sont : CNRS, Cdefi, CEA, France Universités, Ifremer, Inserm, Inrae, Inria, IRD, IRSN, Onera, Université Gustave Eiffel.
  • 2CNR (Italie), CNRS (France), CSIC (Espagne), Helmholtz Association, Leibniz Association et Max Planck Society (Allemagne).
  • 3Le CNRS est classé premier organisme bénéficiaire dans 13 des 25 panels thématiques de l’ERC, et est dans le top 5 dans huit autres panels.