SIGSYNCELL, un projet européen sur les cellules synthétiques

Institutionnel

Les cellules synthétiques, aussi appelées cellules artificielles, suscitent un engouement international dans le monde de la recherche. Sous une coordination CNRS, le réseau SIGSYNCELL va réunir une dizaine de partenaires académiques européens avec, au cœur de cette coopération, douze doctorats qui démarreront à la rentrée 2024. Ils exploreront des thématiques liées à la communication au sein des cellules synthétiques. Le point avec Jean-Christophe Baret, qui coordonne ce projet européen.

Que sont les cellules synthétiques ?
Jean-Christophe Baret1 : 
Les scientifiques essayent de reproduire ou d’inventer des systèmes à petite échelle qui ressemblent aux systèmes biologiques. Une cellule synthétique, qui fait entre un et une centaine de microns, est composée de micro-compartiments qui lui permettent de remplir les fonctions élémentaires du vivant, comme la synthèse chimique, l’import-export de molécules et la gestion des apports en énergie. Les travaux de recherche visent à reproduire le catalogue de ces fonctions.

Les principales applications des cellules synthétiques intéressent les domaines du biomédical et de la synthèse de matériaux, notamment pour la production de molécules selon des processus biomimétiques. Pour ce qui nous concerne, SIGSYNCELL2 reste cependant un projet largement fondamental. Nous y favorisons une approche bottom-up, où nous partons de briques élémentaires que nous assemblons afin d’obtenir les fonctions souhaitées. Il s’agit d’une ingénierie du vivant à partir de briques synthétiques.

Double émulsion
Système de sous-compartimentation réalisée en microfluidique en forme de double émulsion. © Thomas Beneyton (CRPP, CNRS)

Comme présenteriez-vous SIGSYNCELL et ses objectifs ?
J.-C. B. : SIGSYNCELL est un consortium qui regroupe une dizaine de partenaires académiques européens3  ainsi que des entreprises privées4 . Nous nous intéressons à une sous-partie spécifique des problèmes rencontrés lors de la construction de cellules synthétiques : la communication. Dans le vivant en effet, les différents compartiments communiquent entre eux tandis que les cellules interagissent avec leurs semblables et l’environnement extérieur. Nous devons réussir à reproduire ces processus pour générer efficacement des cellules synthétiques.

Brique du consortium européen plus vaste SynCellEU, sur la thématique des cellules synthétiques, SIGSYNCELL va durer quatre ans. Ce qui est bien trop court pour développer des applications. Nous allons par contre améliorer la compréhension fondamentale de ces problèmes de communication et d’interaction. Nous allons pour cela employer des technologies et des principes qui n’ont pas nécessairement d’équivalent exact dans la nature. Nous nous autorisons à utiliser tous les processus physico-chimiques à notre disposition. Nous comptons notamment manipuler des cellules artificielles grâce à de la lumière et des champs électriques ou magnétiques.

Dans le vivant, la communication s’opère en effet principalement par le biais de messages chimiques. Ces échanges de molécules entre les compartiments et les cellules se font de manière plus ou moins dirigée, et nous voulons justement imiter ce transport, mais avec des procédés plus contrôlés. Cela ouvre de nombreuses questions de signalisation, sur comment bien envoyer une molécule d’un compartiment à un autre, en étant sûr qu’elle n’arrive pas ailleurs.

Il nous faut également travailler sur les membranes des cellules, afin qu’elles disposent de récepteurs capables de transmettre une information. Cela nécessitera de contrôler la chimie de la membrane pour qu’elle laisse passer le signal au moment choisi. Nous voulons de plus parvenir à déclencher des changements à l’intérieur d’une cellule lorsqu’une molécule spécifique est détectée à l’extérieur.

  • 1Jean-Christophe Baret est professeur à l’université de Bordeaux et membre du Centre de recherche Paul Pascal (CRPP, CNRS/Université de Bordeaux). Il est spécialiste en microfluidique, notamment pour la miniaturisation de tests biologiques. Un savoir-faire qui l’a amené à s’intéresser aux cellules synthétiques. Jean-Christophe Baret coordonne le projet européen SIGSYNCELL : Engineering biological signaling pathways using synthetic cells.
  • 2Le projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon Europe de l’Union européenne dans le cadre de la convention de subvention No 101119961. Il fait partie des 104 projets retenus à l’appel à projet Réseaux de doctorants Marie Sklodowska-Curie Actions 2022 : https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/opportunities/portal/screen/opportunities/topic-details/horizon-msca-2022-dn-01-01
  • 3On y retrouve le CNRS et l’université de Bordeaux, l’université de Granada (Espagne), les universités d’Heidelberg et de Münster (Allemagne), les universités de Wageningen et Delft et le centre de recherche AMOLF (Pays-Bas) et l’université de Ljubljana (Slovénie), ainsi que des partenaires britanniques avec l’University College de Londres et l’Imperial College.
  • 4Emulseo (France), Allozymes (Singapour), BPP (Allemagne) et DevelopDiverse.

Synthetic Cell Initiative - Jean-Christophe Baret on making cells that produce new materials (en anglais)

Audiodescription

Sous quelle forme se présente SIGSYNCELL ?
J.-C. B. : SIGSYNCELL est un réseau doctoral financé par la Commission européenne au travers des Actions Marie Sklodowska-Curie (MSCA), dont l’objectif est la formation par la recherche. L’idée est de recruter douze étudiants et étudiantes en thèse qui travailleront chacun dans un laboratoire du consortium, en encourageant la mobilité entre chercheurs et chercheuses. Leur projet scientifique individuel est établi en fonction des spécialités des centres de recherche. Chacun devra passer une partie de sa thèse dans un autre laboratoire du consortium, obligatoirement dans des pays dans lesquels ils n'ont pas déjà séjourné plus d’un an. Les étudiants et étudiantes sont ainsi incités à réaliser leurs doctorats, dans le cadre de SIGSYNCELL, dans des États qu’ils auront l’occasion de découvrir. Tout cela favorise l’intégration européenne entre les partenaires et les thésards.

SIGSYNCELL a reçu une évaluation positive de la part de la Commission européenne, et nous sommes en train de régler la phase de négociation finale. Il s’agit d’une étape surtout administrative. Nous allons ensuite recruter un « project manager » pour début 2024, avant d’entamer la sélection des étudiants afin que les doctorats démarrent à la rentrée suivante.

Comment se déroule la coordination de SIGSYNCELL par le CNRS ?
J.-C. B. :
SIGSYNCELL est coordonné par le CNRS, mais reste un réseau doctoral : ce sont les universités qui délivrent les doctorats, en particulier l’Université de Bordeaux qui est partenaire du projet et où je suis professeur. Tous les membres du consortium sont spécialisés dans la question des cellules synthétiques et apportent leur savoir-faire dans la conception et l’assemblage de compartiments spécifiques. Le CNRS va assurer la coordination globale pour que les avancées restent compatibles entre elles, que le partage des connaissances pluridisciplinaires soit pleinement réalisé au sein du consortium et que les activités de formation des étudiants et étudiantes soient mises en 
œuvre efficacement.

C’est important puisque nos expertises au sein du consortium sont multiples. Mon équipe travaille par exemple sur des technologies microfluidiques, c’est-à-dire de microsystèmes où l’on contrôle avec une précision extrême les liquides (concentrations en molécules, débits, etc.). D’autres vont se focaliser sur la création de membranes avec des pores qui sélectionnent les matériaux pouvant les traverser, ou sur le contrôle des conformations moléculaires par la lumière. Enfin, il va falloir développer des systèmes pour déplacer les micro-compartiments ou contrôler leurs réactivités. Ces aspects multidisciplinaires sont le point le plus important du consortium sur le plan scientifique. Nous allons donc assembler des compétences variées afin de travailler ensemble et efficacement, tout ceci dans le but de fournir une formation de haut niveau par la recherche aux étudiants et étudiantes recrutés.