La Présidentielle 2017 au macroscope : réseaux sociaux, « fake news » et communautés politiques
Des chercheurs du CNRS et de l’EHESS ont analysé près de 60 millions de tweets politiques émis pendant la campagne présidentielle de 2017. À partir des « fake news » signalées par le projet Decodex du Monde, ils ont constaté qu’elles n’ont représenté que 0,1 % des contenus circulant sur Twitter, et que deux communautés politiques ont relayé 73 % d’entre elles. Cette étude est publiée le 19 septembre 2018 dans la revue PLOS ONE.
Les réseaux sociaux sont devenus un outil majeur de communication pour les partis politiques lors des campagnes électorales. Pour la présidentielle 2017, une équipe de chercheurs de l’Institut des systèmes complexes du CNRS et du Centre d’analyse et de mathématique sociales (CNRS/EHESS), pilotée par David Chavalarias, a développé un outil – le Politoscope - permettant d’analyser en temps réel les communautés politiques et la circulation de l’information sur Twitter.1
Grâce à cet outil, les chercheurs ont suivi les interactions entre 2,4 millions de comptes Twitter pendant la période électorale (juin 2016 – mai 2017), celles-ci ayant généré 60 millions de tweets politiques.
Les chercheurs ont tout d’abord démontré qu’il est possible d’identifier les communautés politiques avec une très grande précision et d’analyser leur évolution en temps réel. Ils ont par exemple suivi la prise de distance d’une partie des « sarkozystes » avec la communauté Fillon quelques jours avant le « Penelope Gate ».
Concernant les « fake news », ils ont recueilli à peine 5.000 tweets comportant un lien référencé comme une fausse information par les Décodeurs du journal Le Monde, soit 0,081 % du total. Les chercheurs n’ont donc pas observé un « tsunami de fake news » sur ce réseau social, même s’ils estiment que ces chiffres sont en dessous de la réalité.
À partir de la liste de « fake news » du Monde et en s’appuyant sur les 200 000 comptes Twitter associés à des communautés politiques, les chercheurs ont étudié le rôle des communautés politiques dans la circulation des fausses informations, ainsi que la perméabilité à celles-ci de la « mer », un ensemble de 2 millions de comptes non rattachés à une communauté politique mais publiant, plus ou moins fréquemment, des tweets politiques.
Selon leurs analyses, 50,75 % des fausses informations ont été tweetées au sein de la communauté Fillon et 22,21 % au sein de la communauté Le Pen. Ces deux communautés ont donc émis la grande majorité des fausses informations ayant circulé sur Twitter. Notons par ailleurs que seulement 18,9 % des « fake news » ont été relayées par des « tweetos » appartenant à la « mer », alors que ces mêmes personnes ont produit 43 % des 60 millions de tweets récoltés.
Cette étude ne fait pas de distinction entre les comptes officiellement affiliés à une communauté, les militants ou les éventuels « trolls » qui chercheraient à influencer les communautés en interagissant avec elles, mais elle permet d’analyser le phénomène des « fake news » afin d’en comprendre les mécanismes et les enjeux.
Consulter le site du Politoscope : https://politoscope.org/
- 1Communiqué de presse CNRS du 30/03/2017 : Présidentielle 2017 - Avec le Politoscope, Twitter et la politosphère passés au macroscope http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4973.htm
Reconstruction of the socio-semantic dynamics of political activist Twitter networks - Method and application to the 2017 French presidential election. N. Gaumont, M. Panahi, D. Chavalarias. PLOS ONE, le 19 septembre 2018. https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0201879